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Débroussaillons… Le développement

December 8th, 2014  |  CERCOOP Par Vincent MUDRY

Après plus de dix ans de travail dans l’aide humanitaire professionnelle, j’ai pris l’habitude de dire à mes proches : « Le développement ? Je ne sais pas ce que c’est ! » Au-delà de la boutade un peu provocatrice, ce qu’indique cette phrase c’est que la définition du développement est complexe et recoupe différentes réalités et interprétations parfois contradictoires.

En effet, si l’on doit la notion d’aide au développement à Harry Truman, président américain, en 1949, c’est plutôt en définissant le sous-développement qu’il aborde le concept. Celui-ci serait ainsi défini par « […] des conditions approchant la misère, […] une nourriture inadéquate, […] l’exposition aux maladies, […] une vie économique primitive et stagnante. » De plus  « cette pauvreté [serait] un handicap et une menace pour [ceux qui en sont victime] et pour les zones plus prospères »… Tout cela à mettre en perspective du « containment » et de la guerre froide.

Ainsi, le concept d’aide au développement porte dans ses gènes une vision politique : aider des pays tiers à rapprocher les conditions des populations et l’économie de celles des Etats-Unis dans l’optique de mieux contenir la progression de l’ennemi communiste.

C’est donc sur cette question de « quel développement ? » qu’une partie du débat s’est focalisée depuis ; les contempteurs de ce concept assurant qu’il n’est qu’une vision politique et ethnocentriste du chemin que les pays dits sous-développé devaient prendre. Notre propre modèle de développement, qui nous assure prospérité apparente et bien être relatif, au mépris souvent des inégalités sociales et de l’environnement, serait-il Le Modèle à appliquer partout et par tous ? Si cette question lancinante est au cœur du concept de développement, les réponses ont depuis été plurielles. Aujourd’hui, même si beaucoup ont toujours parfois une approche très Nord-Sud de la question, les acteurs de terrain ont largement intégré que le développement avait autant de définitions qu’il y en a d’acteurs et que c’est au pays ou à la population bénéficiaire elle-même d’en définir le contenu et les contours.

Alors qu’est-ce que le développement ? Un accroissement du PIB ? Une diminution de la pauvreté ? Une diminution de la mortalité et de l’analphabétisme ? Garder les traditions ? Les oublier ? Les adapter ? Promouvoir les droits de l’Homme, la démocratie libérale et la bonne gouvernance ? Promouvoir le libéralisme économique… ou les modèles coopératifs ?

Ce que l’on nomme travail social chez nous recoupe-t-il la notion de développement ? Quel est le rôle de l’Etat et sa responsabilité ? En créant des initiatives privées en dehors du cadre étatique (éducation, santé, social etc.), nous posons-nous la question de l’Etat ? Travaillons-nous au développement du pays à long terme ? Mais lorsque l’Etat est défaillant, ces services essentiels gérés par les ONGs ne sont-ils pas nécessaires à la population et à son développement ?

A chacun sa réponse, à chacun sa définition du développement !

Néanmoins, on distingue plusieurs  générations de droits de l’homme dont la portée est entendue comme universelle; les droits civils et politiques d’abord, les droits sociaux ensuite et enfin la 3ème génération qui comprends les droits environnementaux, le droit des minorités, à la paix, au développement etc. De ces 2ème  et 3ème  générations de droits on pourrait trouver la matière de ce qu’est le développement. D’ailleurs, de nombreuses ONGs font de la défense de ces droits leur action : droit au travail, à la santé, à l’éducation etc… et c’est aussi cette logique légaliste que sous-tendent les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Si ces textes donnent des indications sur les objectifs qui peuvent être constitutifs à l’idée de développement,  rien ou presque ne nous donne d’indication sur la manière de le faire pour réellement en être.

Pour conclure, je serais tenté de dire que peu importe ce que l’on nomme développement, c’est plutôt l’objectif ultime qu’il est utile de définir et la manière de l’atteindre : Améliorer les conditions de vie à long terme des populations, sans créer de dépendance à l’aide, sans mettre en danger les ressources à long terme ou l’environnement, sans utiliser trop de ressources et surtout dans le sens que les populations choisissent et définissent. Cette amélioration passe notamment par des services de santé, éducation, services sociaux, accès à l’eau etc. qui pour être durables doivent être associés à l’Etat et être parallèles à un accroissement des richesses disponibles pour les autofinancer et ainsi ne pas rester sous perfusion de l’aide extérieure.

L’argent est et sera toujours le nerf de l’action. Le développement quel qu’il soit passe donc par le développement économique et la création de richesses, seuls à même à garantir aux populations la possibilité de choisir, de construire et de mettre en œuvre le développement telle qu’elles-mêmes le définissent. Si cela n’est qu’une opinion, un fait lui est certain sur la manière de faire : un projet mal construit ou mal géré, engendrant incompréhension ou comme souvent détournements et corruption, va à l’encontre de ce qu’il est censé atteindre car corruption et incompréhension dans les rapports Nord-Sud sont des ennemis intimes du développement.

Par Vincent MUDRY

Original article on CERCOOP Par Vincent MUDRY


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