En Suisse, la philanthropie s’enseigne
November 30th, 2018 | Philanthropy Advisors
La Suisse est un terreau propice pour la philanthropie. Avec plus de 13 200 fondations d’utilité publique recensées, pesant quelque 100 milliards de francs suisses (environ 88 milliards d’euros), le pays possède l’une des plus fortes concentrations au monde de telles structures.
Même si la tendance a quelque peu fléchi avec la crise de 2008, ce secteur caritatif, porté notamment par l’augmentation de la fortune privée, demeure très dynamique. Le nombre de fondations philanthropiques a doublé en l’espace de vingt ans et une nouvelle entité est créée chaque jour. « La philanthropie est étroitement liée à notre histoire, rappelle Claudia Genier, directrice adjointe de Swissfoundations, une association de fondations donatrices helvétiques. La Suisse est une terre d’accueil pour les fondations depuis très longtemps, elles jouissent ici d’une image positive » – et d’une législation libérale qui leur est favorable…
Mesurer l’impact
Dans cet environnement porteur, la philanthropie se professionnalise de plus en plus. Par souci de pérenniser leurs missions, les mécènes – personnes individuelles, entités privées, publiques ou semi-publiques – ne se contentent plus de faire des dons. Ils veulent pouvoir mesurer l’impact de leurs financements philanthropiques. Ils attendent de voir les résultats des actions qu’ils soutiennent, dans les domaines de la culture, des sciences, de la recherche, de l’environnement, de l’éducation, de l’action sociale, etc.
De nouvelles compétences sont par ailleurs requises pour les gérants de ces institutions. « La philanthropie classique est dépassée », assure Henry Peter, professeur de droit et directeur du Centre en philanthropie lancé il y a un an par l’Université de Genève (Unige) et cofinancé par l’Unige et des fondations privées.
Pour faire face à ces nouveaux enjeux et besoins, des formations spécifiques se développent. A Genève, point de rencontre important entre donateurs et receveurs – avec une très forte présence de fondations et d’organisations internationales et non gouvernementales –, « il n’y avait pas de lieu de réflexion académique pluridisciplinaire sur la philanthropie », explique Henry Peter.
Affaires de famille
Parallèlement à ses activités de recherche dans de nombreux domaines et de partage de connaissances, dans le cadre par exemple de conférences, le Centre en philanthropie organise, depuis la rentrée de septembre 2018, un cours à la faculté de droit sur la philanthropie et ses principaux enjeux juridiques. Un cours ouvert aux étudiants de master mais également au public. La création d’une chaire est par ailleurs prévue dans la faculté d’économie.
« Nous observons un transfert de richesse immense. Les générations qui héritent d’entreprises familiales veulent faire le bien dans le monde et utiliser leur richesse pour avoir un impact réel. » Peter Vogel, professeur
A l’Institut international du management et du développement (IMD) de Lausanne, le choix a été fait de se focaliser sur les affaires de familles. Une chaire en philanthropie familiale, financée par Debiopharm, un groupe biopharmaceutique suisse, a été créée l’année dernière. Contrairement à ce qui se fait dans les chaires américaines du même type, où l’on se concentre sur les donateurs du pays, ici, la dimension est mondiale. « Nous travaillons avec les entreprises familiales et voulons les aider à mieux comprendre la philanthropie et leurs activités philanthropiques », dit le professeur Peter Vogel, titulaire de la chaire de l’IMD.
Des cours autour de la philanthropie sont ainsi notamment intégrés dans les programmes de l’IMD consacrés aux entreprises familiales. De fait, la philanthropique dans ces groupes est particulière. Elle permet entre autres de fédérer les membres de la famille autour de valeurs communes. « Nous observons un transfert de richesse immense. Les générations qui héritent d’entreprises familiales veulent faire le bien dans le monde et utiliser leur richesse pour avoir un impact réel », analyse également Peter Vogel.
Une chaire et des cours
Créé en 2008, quand il n’existait que trois centres universitaires dans ce domaine en Europe – on en compte aujourd’hui plus de 25 –, le Centre des études philanthropiques (CPES – Center for philanthropy studies) de l’université de Bâle propose depuis près d’une décennie plusieurs programmes de formation continue en entrepreneuriat social international. Une chaire en philanthropie est connectée avec la faculté des sciences économiques, et des cours sont proposés pour les étudiants en bachelor et en master. « Nous n’avons pas de master spécifique en philanthropie, mais c’est mon rêve », déclare Georg von Schnurbein, directeur du CEPS.
En attendant, aura lieu en novembre une master class en « gestion des fondations », en collaboration notamment avec le Centre en philanthropie de Genève et la Swiss Philanthropy Foundation. Et un MOOC sur l’entrepreneuriat et les organisations à but non lucratif sera lancé au printemps 2019.
https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/10/24/en-suisse-la-philanthropie-s-enseigne_5373884_4401467.html
Original article on Philanthropy Advisors